HISTOIRE DU PEUPLEMENT
L'histoire du Ndút est celle de tous les peuples qui ont eu à émigrer. Comme pour toutes les sociétés africaines, elle est particulièrement basée sur la tradition orale dont la collecte s'avère plus que jamais nécessaire, car, nous dira l'autre, "elle est la seule garantie de la conservation du patrimoine culturel oral, gage d'une fidélité réelle à notre peuple".
Ils évitaient le métissage biologique, car ils étiaient conscients que leur homogénéité était le seul gage de la pérennité de leurs valeurs ancestrales.
     Chez les sereer du Ndút, clé de voûte de ces groupes, ceux qui étaient convaincus d'infractions graves aux us et coutumes étaient bannis, et exclus définitivement de la société. Ainsi, le tam-tam, au rythme du cor (Kiis), sonne la nouvelle fatale. Une couronne de feuilles posée devant ta porte est le signe que tu es banni à jamais, avec un délai de 48 heures, pour quitter le pays Ndut.
      Cette position du Ndut était dû au fait qu'il faisait l'objet d'une menace permanente des "Ceddo" du Kayoor (attaques de razzias, harcèlements). Animé d'un sens aigu de l'honneur, il avait donc fermé toutes ses frontières, en mettant en place un système d'autodéfense qui faisait de l'étranger, et non de l'hôte, une personne de la "main gauche"(Ya' sugu). Le contact de celui-ci, non seulement était perçu comme de l'impureté, mais aussi symbolisait la souillure contre son sol ; ce qui pouvait le rendre vulnérable.
Voilà, ce qui a valu aux Ndut la résistance farouche qu'on leur connaissait contre tous les envahisseurs, "Ceddo" comme Français. "Ces rudes paysans à nuque dure" dira- t-on, seront surnommés, "les turcs du Kayoor". Eh bien, hélas, on comprendra aisément tous les préjugés qui s'abattaient sur les sereer du Nord-ouest en général.
Toujours chez les Ndút, les chefs des armées prévoyaient toutes les situations de guerre et organisaient les secours en conséquence. Des abris souterrains([1]) disséminés dans une inextricable forêt, étaient aménagés pour la sécurité des enfants, des femmes et des vieillards ; les hommes valides étant tous des guerriers potentiels.
    En dehors de ces situations de légitime défense auxquelles ils avaient été contraints, il convient de signaler que chez les sereer du Nord-ouest le sacré prédominait sur le profane.
     En somme, fera remarquer Becker, les traits particularistes de ces sociétés peuvent encore rappeler, mais de façon lointaine et inégale, la société isolée d’autrefois et son indépendance, ses institutions et son organisation familiale ; car les ruptures successives ont mis en cause les fondements religieux, familiaux et économiques. L’autorité est désormais relativisée, comme dans la plupart des sociétés sénégalaises, qu’elles soient religieuse ou familiale.
 
 
1°- Les origines du peuplement.
 
Becker Charles a bien raison quand il dit : "Force est de reconnaître que les origines de l'histoire ndút sont difficiles à cerner avec précision, en raison de la pauvreté des témoignages oraux sur ce sujet. Ou s'il y en a, les détails conservés sont insuffisamment explicites, et l'on se trouve dans un embarras d'autan plus grand que leur datation, même approximative, est très délicate, faute de points de repère assurés".

 

Margurite Dupire, citant Becker Ch., semble appuyer cette argumentation quand elle dit que « Les sources européennes les plus anciennes, relatant l’existence des sereer du nord-ouest dans la région qu’ils occupent aujourd’hui, date du XVe siècle (Becker 1985 et carte 3). Elles sont pauvres et peu fiables. Seules les traditions orales fournissent des informations sur l’installation des ancêtres fondateurs. Il est impossible de dissocier, dira-t-elle, histoire et légende dans les récits antérieurs à cette période.
D’après les traditions villageoises, ajoutera-t-elle, « les noyaux ndút les plus anciens seraient originaires du Fuuta-Tooro (Tékruur) et de la vallée du fleuve Sénégal[2]. D’autres migrants les suivirent en direction du sud-ouest au cours d’un long déplacement qui les amena en plusieurs vagues et par des itinéraires divers, sur leur site actuel ».
Les informateurs, souligne-t-elle, ne se rappellent que les dernières phases de ces parcours et évoquent le souvenir d’une concentration importante de migrants sereer dans la province de Sañaxor. Ceux-ci se dirigèrent ensuite vers la vallée du siin, le Bawol, et contournèrent le massif forestier de Thiès. Les vagues migratoires - composées chacune de quelques matriclans ou segments de clans conduits par un chef – qui donnèrent naissance aux ndút, ne se rencontrèrent et ne s’unifièrent qu’après leur arrivée dans la région de Pout, en pays siili… »
Le pays ndút a certainement été habité au cours de la période précédant l'arrivée des sereer dits du ndút et des socé. Ce qui semble se recouper avec l'hypothèse de H. Gravrand. Seulement celui-ci semble les identifier au ndút, puisqu'il appelle ce peuplement, "les ndút cosaan". Là, également, l'identification de ce peuplement s'impose.
On a, en effet, retrouvé des vestiges de ces peuplements originels, à proximité de la carrière de Palo et à l'intérieur de l'actuel forêt classée où les sereer connaissent une grotte habitée bien avant leur venue. Cette grotte n'est accessible qu'au cours de la saison sèche (Voire fig.1). Maleureusement, la plupart de ces pièces ont été emportées en Europe.
Les sereer conservent des silex et des pierres taillées en forme de hache qui font partie du legs religieux traditionnel et qui proviendraient des lieux occupés par leurs prédécesseurs. Il est très probable que ces peuplements étaient éteints lors de l'installation des peuplements sereer et socé qui ont laissé davantage de traces.
 
C'est vers le douzième siècle que commença l'établissement des groupes qui ont donné naissance au peuplement actuel.
Comme le note Antoine Mbengue[3], Géographe-environnementaliste, le peuplement du pays Ndút s’est fait à partir de trois directions principales :
-         l’axe Nord-Sud (les migrants du Fuuta)
-         l’axe Sud-nord (Siili-Ndút)
-         l’axe Est-ouest (pays non ndút) le moins importants des trois.
Les témoignages des vieux de Mont-Roland sont unanimes pour affirmer que "les premiers groupes installés étaient composés de socé et qu'ils ont été suivis, peu de temps après, par les familles sereer prenant part à la grande migration sereer qui se produisit lors de la chute de l'empire du Ghana et amena les sereer, du Fouta-Toro à leurs pays actuels".
Le Tékrour au temps de El-Bekri est islamisé alors que "naguère les nègres qui le peuplaient étaient paëns comme les autres peuples noirs, et adoraient des "dekka-kirs". C'est précisément, nous dit Pathé Diagne, cette islamisation qui va constituer la ligne de démarcation entre les populations de la région. Les chefs convertis se tournent, à la faveur de l'effervescence religieuse, contre la fraction non islamisée de leurs congénères, pour l'assujettir avec le mouvement réformateur qui se dessine au début du XIème siècle et qui va provoquer ce qu'il est convenu d'appeler "l'exode du Fleuve vers le Sud".
Pathé Diagne poursuivra que "les évènements politiques survenus au XIè et XIIème siècle dans le Tékrour auront de profondes répercussions sur les populations non musulmanes de l'Empire et des régions environnantes. Les éléments réfractaires vont, on le sait, venir peupler les espaces vides du Kayor , du Diander, du Sine et d'au-delà".

 

Car, aux dires de la tradition orale, les ancêtres Ndút durent se battre et repousser victorieusement les socés qui avaient déjà pris pied sur les falaises et les grottes, considérées comme des points stratègiques.
« …les ethnologues comme les historiens véhiculent souvent un flou remarquable concernant le passé commun des peuples du Sénégal », affirme Jean Louis Doneux. « …il existe en effet, poursuivra-t-il, une ambiguïté foncière dans la notion même d’origine des peuples, ambiguïté qui empêche la notion de devenir concept ».
Deux réalités s’entremèlent, dira-t-il. On peut vouloir désigner par là le fait qu’une ethnie actuelle et une ou plusieurs ethnies, voisines ou éloignées dans l’espace d’aujourd’hui, formaient à une certaine époque un seul peuple. Il s’agit d’une origine génétique à l’exemple des Ndút et des Saafeen. On peut aussi s’interroger, comme H. Gravrand, sur l’origine géographique d’un groupe : d’où est-il venu ? Puisqu’il s’interroge, lui-même, sur l’origine de ceux-là qu’il appelle « ndút cosaan »
 
Doneux J. L. nous fait remarquer que les deux questions sont à la fois distinctes et ordonnées entre elles. On peut répondre à la première sans répondre à la seconde. Mais quand on répond à la première, on interdit au moins une route à la seconde : il n’est plus possible d’affirmer que des ethnies issues d’un peuple unique ne viennent pas du même endroit, si tant est qu’elles se sont déplacées. Encore importe-t-il de périodiser les étapes historiques et localisation diverses ».

 

Cette remarque de Ch. Becker est confirmée par la tradition orale, en ce qui concerne le groupe du Ndút qui, à partir de la zône considérée, s'est scindé en deux :
- « le premier peuplement » ou "groupe ancien", qui a eu à repousser les socé à son arrivée, vers le XIIème siècle ;
- « le groupe Siili » dit de Saa Ngëení Puy que d'aucuns appellent "Saa Ngëení Mbúl".
Il faut signaler que c'est à partir de ce second groupe que l'entité ndút s'est distinguée, plus précisément vers le 16ème siècle, alors qu'il se trouvait à Tiwaawun. D'où le nom du "quartier Ndút".
a) - Le groupe ancien
Les traditions villageoises sont unanimes pour dire que les premiers peuplements sereer sont venus du Fouta. Les raisons de ces migrations, comme le fait remarquer Ch. Becker, ne peuvent être tirées au clair.
Cependant, la tradition orale semble accréditer la thèse de la conquète islamique, notamment celle des almoravides que nous décrit, par ailleurs, El-Bekri. L'on raconte que les groupes sereer, après Boutilimit, pour leur longue marche, auraient traversé le Fleuve à Kaédi, et que leur dispersion serait dû à plusieurs facteurs qui ne sont pas tous élucidés. On parle très souvent d'une "force hostile" rencontrée dans le waalo, et qui a beaucoup contribué à la scission des groupes.
Il est vrai que les premiers peuplements ndút ont été très mobiles. Les traditions de fondation des villages confirment cette instabilité, en citant des lieux proches de la mer, d'où seraient venus les fondateurs. Les traces de leur passage subsistent encore à "Mballaga" vers "Jëllek" où se trouve le "kuusa", pierre servant à aiguiser le coupe-coupe ; d'autres emplacements et un "arbre sacré" à "Jëllek" même ; des emplacements vers Taïba-Ndiaye également.
Par la suite, ils auraient remonté le massif de Thiès, pour aller s'installer dans les collines où ils ont découverts les réfuges très cachés, les grottes signalées plus haut, qu'occupaient les socé. C'est là, dit-on, que les enfants, les vieilles et les vieillards étaient cachés en cas d'attaque. Cette facilité de défense confortait les sereer dans leurs positions qui, disent-ils, n'ont jamais été violées ni conquises. C'est là également qu'a eu lieu la révolte des mool, ce qui a été à l'origine du nom des villages "Cilaan".
 
La durée de la migration serait de quarante ans environ, avec des étapes diverses dont on ignore les circonstances et les lieux exacts : on parle du Kayoor et du Jolof, avant la fondation des royaumes wolof.
Cependant, Pathé Diagne fait remarquer que "...parlant des nomades au Sud du Fleuve et qui ne forment qu'une partie de ces "payens", Ibn Said, se réfèrant aux sources écrites, affirme qu'ils ont "une ville ou village qui s'appelle mouveh...". "C'est ici, ajoute-t-il, que se trouve la maison de leurs "dekkâ-kirs".

 

Pour "le pays Ndút", on peut avancer un ensemble de faits et de traditions conservés oralement, concernant les sereer du ndút, les groupes sereer voisins, et, très vaguement, le reste de l'ethnie.
On signale un ensemble de puits et d'emplacements soosé qui seraient les lieux d'implantation des premiers peulements venus peu avant les sereer. Il a été relevé treize de ces endroits auxquels on continue à donner des dénominations précises qui semblent provenir, en certains cas, des sosé eux-mêmes. On cite les endroits suivants :
- A Niakhib : Wakam où l'on trouve des morceaux de canaris attribués aux soosé ;
- A Fouloume, cinq puits : "La e€e Ngoh, Laybay Tang, La' Palo, Wuu, Yeemí sooseya (on donne par ailleurs les noms des deux chefs soosé : Gassama et Bandinga que les fondateurs : Lel et Sis Puy ont vaincu et tués à l'occasion d'un conflit armé). Un chant relate encore aujourd'hui cet évènement ;
- A Ndiaye-Bop, on signale seulement les emplacements ;
- A Tivigne, cinq emplacements : Batbat, Modi, Kanan, Gasin et un second wakam ;
- A Daga, « €a'i samsam » et « deyi yaayyi sooséya » ;
- A Palo, on parle aussi de soosé.
Les renseignements recueillis permettent de penser que les groupes soosé étaient importants.
La plupart des témoignages ndút prétendent que les sosé ont été chassé ou supprimés, lors de l'arrivée des sereer, et que la coexistence des deux peuplements s'est vite avérée impossible là où elle a été tentée.
Cependant, sur la foi de quelques témoignages ndút et de témoignages circonstanciés chez les vieux sereer paloor-siili et saafen, on peut croire que certains groupes sosé sont partis de leur propre gré, que d'autres ont été expulsés, mais que beaucoup de sosé sont restés et qu'ils ont longtemps cohabité avec les ndút, se sont mariés avec eux.
Le résultat en a été l'assimilation des sosé par les ndút. En l'absence de certitudes absolues, on est réduit à tenir pour très probables des contacts profonds entre sereer et sosé, non seulement dans "le pays ndút", mais aussi dans "les pays sereer" voisins. Ce qui serait à l'origine des patronymes "CISS" ou "CISSE" qui sont très répandus chez les sereer dit du Nord-Ouest.
 
Pathé Diagne constate cependant que la migration Nord-Sud est encore mise en évidence par les données toponymiques et que les pays situés dans le même axe Nord-Sud conservent à peu près une distribution similaire de patronymes.
Le manque en données de la tradition orale, sur les origines de la langue ndút, peut être comblé en partie par des données extra-linguistiques. Il est possible que, lors de la cohabitation avec les toucouleurs au Fouta Toro, des groupes sereer - ceux qui se sont dirigés vers les régions "montagneuses" aux environs de Thiès - ont été en contact avec d'autres groupes ethniques et linguistiques que les toucouleurs. Pour les partisans de cette thèse, ces relations ont pu jouer un rôle non négligeable dans la constitution de la langue ndút et des langues sereer du Nord-ouest.
Deux indices sont à évoquer dans la discussion, disent-ils :
- Les apparentements des langues des sereer du Nord-ouest ;
- Les noms des lignages maternels des ndút, saafen, palor-siili.
P. PELISSIER note que "...les migrations sereer en direction du Sud à partir de la vallée du Sénégal ont laissé traces et souvenirs dans leur zone de départ comme à travers le Kayor et le Djolof. Dans ces deux régions, la tradition orale a fidèlement conservé la mémoire du passage des sereer refoulant devant eux socé, puis eux-mêmes ultérieurement repoussés vers le Sud par les wolof...".
En somme, nous pouvons tenir pour établi que les "socé" et les "sereer" occupaient le Sénégal septentrional avant la fondation de l'empire du Djolof.
 b) - Le groupe siili (de Sa Ngëení Puy)
Ce groupe aurait longtemps séjourné à Mboul, dans le Kayor, en cohabitation avec les Tieddos et leurs voisins sereer "noon".
Aux dires de la tradition orale, ce groupe fut contraint de quitter Mbúl vers le XVIème siècle, à la suite d'un différend ou malentendu, entre leur chef Sa Ngëení Puy et le premier Damel du Kayor, Amary Ngoné Sobel Fall[4].
De Mbúl, ce groupe serait allé fonder le village de Tiiwawan où l’on retrouve de nos jours, « le quartier Ndút ». En effet, c’est à partir de Tiiwawan que l’entité ndút s’est distinguée. Ces sereer avaient été surnommés « les hommes aux huttes », à cause du nombre impressionnant de huttes qu’ils habitaient. Le mot « dút » qui signifie « hutte », par déformation dialectale a évolué en prenant une forme prénasale et devenu « Ndút ».
Marguerite Dupire dira à ce sujet : « Ces migrants campaient de manière précaire dans des abris de fortune et, pour cette raison, auraient été surnommés ndut (abri de circoncis en sereer siin)… »
Cependant, nous dit la tradition orale, Sa Ngëení Puy ne s’était pas rendu à Tiiwawan. En prévision des réprésailles du Damel, il s’était réfugié dans la zone des Niayes, avant de se rendre plus tard à Lam-Lam. Au départ de Mbúl, il avait demandé aux ndút qu’à leur première installation de construire leurs habitations autour d’une grande hutte (dút gaan), pour divertir le damel et le faire croire qu’il est avec eux. Il savait que l’objectif du damel était de s’approprier ses richesses. Comme prédit, le damel enverra ses troupes les déloger de leurs nouvelles habitations à Tiiwawun. De ce village ils iront fonder Njasaan (ac a yen saañ), mais pas pour longtemps, puis le Damel les y chassera.
Pendant que le Damel s’affairait sur les ndút, nous signale la tradition orale, les noon en profiterons pour aller s’établir à Pade (nom traditionnel de Fandeen).
De Njasaan, les ndút iront s’établir dans la zone du « « Siili » (entre Puut et Sebixutaan) plus protègée des incursions des tieddos.
Selon la tradition orale du Ndút, quand les sereer du Ndút se déplaçaient, la lignée des saafi (saa fíi : aller devant) qui était censé détenir des pouvoirs extraordinaires, se mettait toujours en tête. Une fois le Kiis (cor en bois) sonnait tout le monde s’arrêtait et plus personne n’avait le droit de revenir en arrière. Les chefs de lignée allumaient des incendies pour délimiter leur territoire, ce qui leur donnait « le droit de feu ».
Il s’agit d’un mode d’occupation très simple, nous dira Antoine Mbengue : la terre appartient au premier qui y a mis le feu. D’où la prolifération des « daay » (incendies) qui constitueront le point de référence de la propriété foncière qui est ici collective, lignagère. Mais le mode d’établissement est différent, dépendant de la conjoncture de l’époque : l’insécurité qui règne dans la région (du 16e au 19e s.).
C’est ainsi que ces Saafi auraient fait la découverte des sereer de la Petite Côte qui pêchaient en mer. Et toujours selon cette même tradition orale, le métissage de ces Saafi-ndút et de ces pêcheurs sereer aurait donné naissance au sous-groupe Saafi, appelé aujourd’hui, à tort, saafen.
Mais ce n’était pas sans difficultés, comme nous le dit si bien M. Dupire qui signale qu’ « ils évitaient les mariages à l’extérieur du groupe migratoire par crainte de mésalliances avec des étrangers. Le récit de leur rencontre, qui aurait eu lieu en pays siili, au lieu-dit Touli qui veut dire « crachez », traduit bien la méfiance qu’éprouvaient ces groupes les uns à l’égard des autres… »
« Dix matriclans (ciidim, het) seraient arrivés en trois vagues migratoires qui devinrent trois clans associés. Ce niveau clanique maximal s’appelle soogú (ombre) ou këem (arbre à palabre) suivi du nom du premier clan, parce que ses membres s’assemblaient à l’ombre de grands arbres… »
En effet, c’est vers la fin du XVIIème siècle, qu’un démembrement va s’opèrer et qui va entrainer, pour des raisons qui restent à élucider, un autre mouvement migratoire sud-nord, cette fois, et qui sera à l’origine de la fondation de sept (7) villages du Ndút. Parmi les villages de départ les plus évoqués, l’on peut citer : Sèn, Sun caaboh, Mbirjam, Siñfil, Khodaba, Kérèn, Kissa Yaam, Dougar et Sebixutaan.
« Les clans ndút, poursuit Marguerite Dupire, restèrent un certain temps en pays siili : des lignages y ont encore des droits fonciers et de lointains parents envers lesquels se maintient la réciprocité funéraire.
Effectivement, ceux qui sont restés dans la zone, que l’on appelle « Paloor ou Faloor », entretiendront, par la suite, des rapports familiaux très étroits, favorisés par une quasi-identité de langue et maintenus jusqu’ici.
L’accord est général pour insister sur l’importance des matrilignages dans le déroulement des migrations et l’installation définitive (le cas des Safeen). En effet, remarquera Ch. Becker, l’histoire de l’origine des villages est avant tout décrite comme l’implantation de concessions familiales qui ont peu à peu donné forme aux villages actuels. Les groupes familiaux arrivant avec leurs biens et leurs troupeaux, ont pris possession du sol en réalisant les premiers défrichements de la forêt et en installant quelques lieux de culte.
Ainsi, la première organisation du pays et le partage des terres se sont effectués sur la base des dix lignages dont les chefs auraient dirigé les migrations et l’occupation du sol.
Ces lignages maternels constituent trois groupes qui font apparaître les apparentements entre eux ; ils auraient de la sorte une mère commune : Les Yuud et les leemu ; les Dayan, les saafii, les ya’ duul et les lebtaan ou Senkeew ; les yookam, les Joho€, les hagaan et les laha. Pour tous les villages on cite le nom et le lignage de la (ou des) première(s) concession(s). On compte aujourd’hui dans le Ndút douze (12) lignages.
Les renseignements concernant l’ancienneté respective des premières concessions qui ont donné lieu à la constitution ultérieure des villages ndút, sont souvent contradictoires et ne permettent pas une chronologie rigoureuse des installations.
Aussi, on montre à titre de confirmation, un bâton magique, « lebay na » (n’y a pas touché) que les fondateurs de Tévigne auraient amené du Fuuta. Par contre, les villages du Fuuta d’où sont partis les ancêtres ne peuvenet être localisés avec précision. A Fulum, on parle de Guédé ; à Sambay-karang et Gawut, on parle de Boutilimit, Kaédi et Bakel.
L’origine d’un petit groupe considéré comme étant des griots ndút, appelé « mool » - mais qui ne le sont pas en fait – est assez mystérieuse. Bien que certains semblent affirmer que leur origine proviendrait des contacts de certains ndút avec les noon de Padé (à l’Est de Thiès), il nous paraît plus indiqué de charcher ailleurs, car aux dires de la tradition orale, ce groupe serait à l’origine étymologique du nom des villages « cilaan » qui veut dire : « ne plus porter sur la tête ».
La tradition raconte que ce groupe qui était doté de pouvoirs surnaturels, était chargé de transporter les bagages depuis le Fuuta. Il s’est révolté après que les groupes leemu et saafi aient quitté Mballaga pour aller se réfugier aux flancs des collines. C’est ce qui a donné naissance à deux villages du même nom : Cilaan Joor et Cilaan Tangoor.
En dehors donc de ce refus de porter les bagages, il est, depuis, resté au service des familles leemu et saafii dont il forme un segment tout à fait à part. Les « mool » sont maintenus à l’écart des villages. Ils sont les batteurs de tam-tams et sont enterré comme les griots dans les ceux des baobabs et c’est pourquoi ils sont assimilés à ces derniers.
Il faut signaler qu’ils ont joué un rôle important dans les combats victorieux qui ont opposé les ndút aux troupes des damels ; d’où l’origine héroïque du grand tam-tam des Saltigué « Yeesa » qui veut dire le coup de fusil. 
2°- Le pays ndút avant la colonisation française ou
    La période des explorations.
Le "pays ndút", comme on aime à le dire, est connu des sources européennes depuis le XVe siècle. Mais c'est surtout au XVIIe siècle, notamment dans les écrits du médecin hollandais Olfried DAPPER (édition de 1676, p.342) traduit par le professeur Guy THILMANS de l'IFAN/CAD qu'on a commencé a avoir certaines précisions. Ses habitants ont toujours été confondus à leurs voisins noon. Dapper, de par sa connaissance géographique de la région, a été le premier à faire mention d'EMDUTO (pour désigner le Ndút), dans son ouvrage : "Le Royaume Zenega, Pays de Jalofs, ainsi que les royaumes subordonnés de Kayoor, Baol, Juala, Ale, ect.".
 
Cependant, note Becker, on constatera que les documents du XVIIIe siècle demeurent très lacunaires, malgré l'intérêt de plusieurs témoignages qui infirment, dans une large mesure, le cliché de la "sauvagerie" des sereer du Nord-Ouest.
Au XIXe siècle, dira-t-il, lorsque les sources deviennent abondantes, elles sont en fait doublement biaisées : d'abord, il s'agit de regard européen sur des populations dont on réalise la conquête par la force, ensuite, la vision est déformée par les informateurs et les guides, surtout wolof qui sont utilisés lors des premiers contacts, puis pour la mise sous tutelle coloniale"./-
 
Thomas Gana DIOUF
 
 
[1]- Il s'agit ici des grottes utilisées avant leur arrivée, certainement par ces peuplements originels que le R.P. H. GRAVRAND appelle les "Ndut Cosaan". C'est l'occasion de corriger cette grave erreur.
[2] - Les historiens considèrent que les sereer constituaient le fonds des populations agricoles du Tékrur. (Levtzion 1977 : 484-486).
[3] Dans une note d’enquête en pays Ndút, il nous décrit les principales vagues qui ont peuplés le pays Ndút. 
 [4]- Fils de Déthiéfou NDiogou et de Ngoné Sobel, soeur du Teigne du Bawol, Niohor Ndiaye Kouli Djegan. Le nom de Fall lui vient de l'ami de son père, le Chérif maure Amady Fall, son homonyme. C'est lui qui a revalorisé la fonction de Laman, en se donnant le titre de "Damel" qui équivaudrait à "Roi".

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